Chroniques

Le consultant indépendant, enfin libéré !

Posted: 22 septembre 2017 à 2:32   /   by   /   comments (0)

Et si… un basculement profond se confirmait : le passage des consultants indépendants d’une précarité subie à une liberté assumée. En exclusivité, les résultats de la première enquête européenne sur le sujet.

Autonomie mieux affirmée, modes de collaborations plus innovants

Dorénavant, l’indépendant affirme haut et clair ses équilibres choisis de vie professionnelle et personnelle. Depuis le début de l’année, plusieurs enquêtes sur le phénomène free-lance nous ont annoncé cette révolution. En pleine campagne présidentielle, Ouishare, collectif de free lancers accélérateurs d’idées et Hopwork, première plateforme française de free-lance avec 40.000 professionnels (présente dans 20 villes de l’hexagone) publiaient une étude conjointe (titrée « Freelances et fiers de l’être ») qui sonnait le tocsin : le décalage entre le discours de nos représentants politiques et les changements en profondeur de la société française se révélait béant.

L’heure n’est plus à bricoler des textes de loi à la pelle pour sauvegarder un modèle social qui ossifie les relations contractuelles employeurs/employés ; que ce soit en renchérissant le coût des CDD pour l’entreprise ou en accroissant les obstacles en cas de licenciement de CDI. Le sujet central s’est déplacé du positionnement du salariat au statut du travailleur indépendant.

En Europe, phénomène identique. Sharp y a réalisé une enquête auprès de 6.000 professionnels, salariés de PME-PMI. Effet miroir : le niveau de déception des cadres dans l’entreprise classique augmente encore et toujours : « manque d’inspiration »,  « oppression », « toxicité ». Passer de l’autre côté de la barrière ? La tentation devient plus que tentante, en tout cas elle se pose à l’évidence, et parfois de manière irrésistible.

La dernière étude européenne en date, consacrée aux seuls consultants et experts indépendants rejoint ce double-constat : malaise et frustrations dans les organisations + effet oxygénant et enthousiasmant de l’indépendance. Elle a été réalisée par Comatch, qui, en l’espace de deux ans s’est imposée comme la plateforme n°1 du conseil indépendant sur le continent, avec une base de 3.000 consultants triés sur le volet : ex-seniors ou chefs de projet issus des meilleurs groupes de conseils mondiaux (McKinsey, the BCG, Bain,…) et experts dotés de plus de dix ans d’expérience en entreprise.

Fondée à Berlin par deux jeunes ex-McKinsey, cette plateforme nouvelle génération (entièrement automatisée, réactive vis-à-vis du client en moins de 48h, taux de surfacturation inférieurs à la moyenne du marché) fortement implantée dans les pays germaniques et scandinaves ainsi qu’au Benelux, va ouvrir officiellement un bureau à Paris d’ici la fin de l’année. « Le marché du conseil en Europe est non seulement mature, mais il continue de croître plus vite que le PNB », constate Christoph Hardt, cofondateur et DG de cette startup à succès et dont la confiance apparait inébranlable : « Nous croyons pouvoir atteindre un CA supérieur à 100 millions d’euros d’ici cinq ans », affirme-t-il sans hésiter.

Pour cette première étude, 430 consultants indépendants ont été interrogés dans 22 pays. Les résultats confirment, sans équivoque, l’effet de masse et de retournement auquel on assiste. A la question : « Quelles sont les raisons qui ont provoqué votre décision de devenir free-lance ? », les trois réponses qui arrivent en tête montrent du doigt la recherche, ou l’atteinte d’une forme de « libération ».

  • « Je voulais décider des sujets sur lesquels je travaille » : 86 %
  • « Je voulais travailler moins ou avec davantage de flexibilité» : 75 %
  • « Je voulais décider des clients avec lesquels je collabore» :  72 %

Viennent ensuite : le souhait d’avoir plus de responsabilité (50%), obtenir de meilleurs revenus (43 %), trouver de nouveaux challenges (26 %), se déplacer moins qu’avant (25%).

Tous les témoignages relatifs à ces choix expriment le désir de retrouver une part de soi-même, enfouie dix pieds sous terre, par la conjugaison d’une autonomie mieux affirmée et des modes de collaborations plus innovants.

Parmi les raisons exprimées : « Juste être mon propre boss, sans avoir de structure à gérer », « Me débarrasser de la pression d’objectifs commerciaux totalement irréalistes », « Je venais d’avoir mon premier enfant, travailler pour une grosse firme de conseil devenait juste impossible », « à la recherche d’aventures, de surprises », « ras le bol de la politique dans les grands groupes », « avoir une relation de couple plus équilibrée ».

Au total, 91 % du panel se sent aujourd’hui plus heureux ou autant qu’avant dans son équilibre de vie ! D’où qu’ils viennent : du secteur financier (100 % de « satisfaits »), d’un cabinet de conseil (97 %), d’un grand groupe (88 %), d’une startup (80 %) ou d’une PME (70%). Un tsunami !

Même si la question de la rémunération n’apparait pas comme le levier de motivation numéro un, ils sont toutefois 58 % à affirmer envisager gagner plus, après avoir fait le pas. Proportion identique sur l’espérance d’un gain de responsabilités. Christoph Hardt le souligne lui-même : « la clef ne se trouve pas dans l’efficacité de la plateforme elle-même, ni dans son rôle de place de marché intégrée mais aussi et surtout dans sa fonction de lieu de rencontres ». Cette année, afin que consultants et experts du réseau cultivent leurs interactions, cette startup organisera des « City Meet Ups » dans huit villes d’Europe.

A partir de ces résultats, Comatch a établi une typologie, la première du genre sur les consultants free-lance de haut niveau. Quatre spécimens s’extraient du lot :

  • Le Mo-ti-vé : il vient de la galaxie du conseil international et est habitué aux revenus élevés. Pour lui, ou elle, son objectif tournerait autour de 280.000 €/an, avec une moyenne de 186 jours travaillés/an.
  • Le Maître du temps: il se satisfait d’un salaire minimum, dont la moyenne oscillerait entre 110.000  et 120.000 €/an ; car, pour lui ou elle, travailler moins, c’est accorder plus de temps à des causes humanitaires ou philanthropiques, aux hobbies, au sport… ou à sa famille.
  • Le futur Entrepreneur : à terme, il ou elle prendra le risque, un jour, de lancer sa propre entreprise ; c’est le plus jeune des quatre portraits types (moyenne du panel : 43 ans).
  • Le Nostalgique: il éprouve quelques difficultés à positionner ses nouveaux défis d’indépendant. La solitude professionnelle du coureur de fond va à l’encontre de ses habitudes de collaboration à plusieurs et de l’esprit d’équipe.

Sur les 830.000 indépendants (sans salariés) exerçant une profession intellectuelle ou artistique recensés en France, soit 126 % de plus qu’il y a dix ans, 60% vivent en province et 40 % en Ile-de-France, dont une majorité d’hommes (sauf dans les fonctions et expertises de haut niveau, comme le conseil où les femmes sont majoritaires). Ils ne ressemblent pas tous à ces indépendants « self-décideurs » croisés chez Comatch. On y trouve des graphistes publicitaires, des rédacteurs aussi bien que des programmeurs informatiques.

Quel que soit le niveau d’expertise de chacun, derrière cette hétérogénéité, la diversité des formules statutaires en France (Entreprise individuelle, Entreprise Individuelles à Responsabilité, Entreprise Unipersonnelle à Durée Limitée, SAS, SASU (Société par Actions Simplifiées Unipersonnelle), Portage salarial, CAE (Coopératives d’activité et d’emploi) facilite et encourage la montée en puissance de cette population.

Devenir « plurivalent » ou « multi-actif » ne se vit plus « que » négativement. Beaucoup y voient la possibilité de tester, à temps partiel, la viabilité d’un projet ou se préparer, dans les meilleures conditions, au saut de la reconversion professionnelle tout en déjouant le vertige. D’apprendre aussi à se responsabiliser, en décidant eux-mêmes avec qui, pour qui et à quel tarif ils sont prêts à travailler.

Nombre de commentateurs politiques accusent le déferlement trop rapide de cette vague de « iPros » (Independant Professionals). Selon eux, lutter contre l’économie free-lance, c’est se battre contre une précarité devenue fatale.

Certes, on opposera à OuiShare, Hopwork et autres Comatch de ne réaliser ces études qu’à partir de « leurs » bases de données (Hopwork a extrait le panel de 33.000 free-lance de son propre fichier de membres), et donc sur des échantillons non représentatifs de l’ensemble de cette nouvelle population (n’enquêter qu’auprès de ceux qui ont déjà fait le pas de l’indépendance déprécie à l’évidence la valeur scientifique des résultats).

Néanmoins, les témoignages présentés et les tendances énoncées, convergent toutes vers une dynamique historique unique : ce choix volontaire de l’indépendance se présente comme non contradictoire avec des formes personnelles et collectives de bonheur et d’équilibre totalement originales.

Nicolas Rousseaux

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