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La faillite du courage
Quand Alexandre Soljenitsyne, visionnaire, renvoyait dos à dos les grandes puissances, qu’elles soient totalitaires ou commerciales.
Dès 1978, dans un discours mémorable donné à l’université d’Harvard, il annonce à la fois, la fin inéluctable du bloc communiste et celle du capitalisme occidental, qui suivra… Description terrible de nos hypocrisies, de nos failles béantes, de nos aveuglements, de notre paralysie. A relire aujourd’hui, ce texte lumineux et glacé, de 64 pages, prend d’autant d’éclat qu’il touche du doigt les piliers fondamentaux de chacune de nos existences. A commencer par ce que nous avons de plus précieux, la « vie intérieure », que les systèmes politico-économiques n’ont pas cessé de nous subtiliser, plus ou moins sauvagement. L’irresponsabilité et l’absence de limites aux territoires des passions ont ainsi remplacé l’auto-limitation par l’auto-expansion.
« Mais aucun armement, si grand soit-il, ne viendra en aide à l’Occident tant que celui-ci n’aura pas surmonté sa perte de volonté. Lorsqu’on est affaibli spirituellement, cet armement devient lui-même un fardeau pour le capitulard. Pour se défendre, il faut être prêt à mourir, et cela n’existe qu’en petite quantité au sein d’une société élevée dans le culte du bien-être terrestre. Et il ne reste plus alors que concessions, sursis et trahisons. »
Incompris, moqué, isolé, violement critiqué à l’époque, remisé aisément dans les tiroirs poussiéreux d’une spiritualité dite « conservatrice » ou « réactionnaire », ce discours réédité sonne désormais comme un tocsin à nos oreilles contemporaines.
Nicolas Rousseaux
« Le déclin du courage »,
discours donné à l’Université Harvard, juin 1978.
Editions Les Belles Lettres, 2015
Photo : Nicolas Rousseaux,
tableau de Pierre Bonnard, « Le boxeur » © Musée d’Orsay
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