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Penser autrement

Posted: 14 novembre 2016 à 7:21   /   by   /   comments (0)

Et si… nous vivions un virage, sans pouvoir ni le nommer, ni le voir venir, ni, finalement, garantir notre trajectoire. Serions-nous même en train de le rater ? Qui peut le dire ? Plus nos engins développent notre acuité dans la nuit, moins s’affirment la certitude de notre bon droit, la forme de nos combats, le sens à donner à la vie, la dimension de notre territoire.

S’adapter aux contextes incertains, décider et agir différemment en vue de maîtriser toute situation imprévue.

Penser autrement. Pour quoi faire ?

  • Le président Obama avait sorti ce que la Maison Blanche appelait alors la « Smart Strategy ». Que recouvre donc cette intelligence-là ?

“Our policy is guided by this tight precept: Don’t do stupid stuff!” Autrement dit, face à un problème, prenez la bonne décision. Evitez le pire ! Point à la ligne. La politique des petits pas revisitée. Ce pragmatisme poussé à l’extrême rime avec le repli sur soi d’un imperium déboussolé.

La nation la plus puissante dans l’histoire de l’humanité, qui consacre, chaque année, 600 à 800 milliards de dollars à sa défense, soit en dollars constants, le double des sommes engagées annuellement pendant la deuxième guerre mondiale, déclare urbi et orbi qu’elle est incapable de résoudre par les moyens classiques, militaires et diplomatiques, les conflits actuels.

Devant le grand spectacle du chaos, un aveu d’impuissance. Notre réaction : l’impassibilité ? La stratégie devient l’absence de stratégie  Pour autant, un tel vide de puissance peut-il être occupé par d’autres forces que celles du terrorisme et de la cyber criminalité ? Comment combler cette perte de contrôle ainsi reconnue par une direction, une ambition, une mission renouvelées ?

Rêve de vol, poétique des ailes, vie verticale, hygiène du redressement, courage de vivre contre l’apesanteur

Rêve de vol, poétique des ailes, vie verticale, hygiène du redressement, courage de vivre contre l’apesanteur

    • Crise structurelle, opportunisme perpétuel

      Posons-nous de bonnes questions pour l’avenir. L’exemple de l’armée et de ses nouveaux rôles
      • La stratégie d’investissement. Qui a inventé le venture capitalism ? En 1946, un général français, professeur à Harvard, ancien banquier, est mandaté par le Pentagone pour mettre en place une forme révolutionnaire d’investissement. Depuis, Le Ministère de la défense américain n’a pas cessé de financer la Silicon Valley, et, encore aujourd’hui, lui envoie chaque année des pelletées de plusieurs dizaines de milliards de dollars.
      • L’esprit entrepreneurial. Ce ne sont pas les startups qui doivent se greffer aux dinosaures, ce sont les dinosaures qui doivent sortir de leur étau. Pourquoi ne pas mettre en contact, organiser sans contraindre, s’immerger dans un incubateur ou un espace de co working le temps d’une journée pour mieux comprendre les environnements qui révolutionnent la prise de décision, le choix stratégique, la réflexion collective.
      • Le rapport politique/armée. L’intervention en Lybie a laissé dans la Grande Muette, des traces profondes, des frustrations, des non-dits qui en disent long. Une armée au service de l’image du politique ? Quelles sont les pistes de réflexion, les trous stratégiques, les futurs usages d’une armée pour le pays ?
      • Le poids du renseignement. Cybernétique ou physique, l’information, comme la donnée, vont bouleverser le sens même des opérations. Pourquoi ne pas là aussi s’ouvrir à la créativité, à l’imaginaire, comme nous le faisions autrefois avec la science-fiction. Car c’est toujours dans la fiction que se cache les nouvelles réalités, pas dans les essais savants. Le romancier maîtrise une liberté que l’essayiste ne peut s’offrir, ni l’intelligence économique.
      • Les Français ne se sentent pas préparés aux nouvelles formes de conflits. L’état d’urgence pose lui-même question. Est-on en guerre, oui ou non ? L’asymétrie génère des émotions dominées par la maîtrise des perceptions plus que par le rapport de force. Pourquoi ne pas donner la parole au peuple que l’on protège, face aux métamorphoses de la guerre, du succès tactique à la défaite stratégique.
      • La nature de l’ennemi. Umberto Eco, dans l’un de ses derniers ouvrages, raconte qu’autrefois, l’ennemi n’était pas seulement méprisable : il était physiquement repoussant et même fétide. Construire son ennemi ne constitue-t-elle pas l’une des premières nécessités du genre humain ? Une paranoïa autodestructrice souvent bien entretenue. Rédigeons la première « histoire des ennemis » ? Du bouc-émissaire ou de la diabolisation au sentiment d’unité nationale. Et pourquoi ne pas développer à cette occasion un travail précis sur l’empathie : apprendre à se mettre à la place de son ennemi, à penser comme lui.
      • Le débat sur les frontières a rejailli à la lumière de la porosité, de l’inefficacité des zones de libre circulation. Effacer les différences, c’est produire de l’indifférence. The sky is the limit ! Pourquoi ne pas demander à de jeunes écrivains de témoigner de leur vision de la globalité, de la différence, de l’altérité, de la confusion entre l’universel et l’uniformité ?
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Jeux dialectiques du vertige et du prestige, dynamique de l’ascension,…

Nouvelles sources d’alimentation de la pensée

  • Une recherche prospective en mouvement continu

    • L’intelligence artificielle : jusqu’à quel point modifie-t-elle l’usage des valeurs morales par la société ? Couplée aux manipulations génétiques, la programmation du retour à la vie de l’homme de Neandertal et du mammouth sibérien est inscrite dans le temps court. Le développement des « cyborgs » (combinaisons de parties organiques et non–organiques) à base d’insectes vivants : des cafards dans le corps desquels sont implantées des puces électroniques afin d’enregistrer les conversations au sein du camp adverse.
    • Les révolutions démographiques : avec le poids énorme cumulé de l’Asie et de l’Afrique face aux peuples européens et américains complétement dépassés. D’ici 35 ans, l’Inde (1,6 milliard) survolera la Chine (1,3 milliard), de même que le Nigéria 440 millions) face aux Etats-Unis (400  millions), devant l’Indonésie (321 m) et le Pakistan (271 m). Le géant brésilien (231 m) pèsera autant que le « petit » Bangla Desh (201 m). L’Ethiopie (187 m) et les Philippines (157 m) rattraperont le Mexique (156 m). Congo, Tanzanie, Egypte enfonceront la Russie et le Japon. L’Ouganda affichera le plus impressionnant taux de croissance avec + 205 % (de 31 à 104 millions). Devant le Viêt-Nam, l’Iran et la Turquie.
  • Des matières premières les plus diverses possibles

    • Les dernières études en matière de psychologie positive (Tal Ben-Shahar).
    • Les avancées de la réflexion sur l’altérité, du respect de la différence culturelle à la mesure des écarts entre les cultures (François Jullien).
    • La fonction des systèmes immunitaires dans la société (Peter Stoterlijk)
  • Des mises en abymes entre histoire et stratégie

    • Chinois, Indiens et Ottomans, premières puissances mondiales de l’époque ont raté conjointement le virage de la révolution industrielle, alors que sur le papier, ils avaient tout pour se transformer. Pourquoi ? D’un côté, la vapeur d’eau chaude servira à cuire les dim sum, de l’autre elle sera récupérée comme force de pression ascensionnelle. Pourquoi ? Est-ce seulement une affaire de religion ? Max Weber n’a pas tout dit. L’Europe, continent minuscule, seul découvreur d’horizons fertiles, seul combattant de l’ignorance, seul agrégateur de la science et de la finance ? Pourquoi… et pourquoi l’avons-nous oublié ?
    • Pourquoi ne limitons-nous, le plus souvent, nos références stratégiques qu’à des figures connues : Clausewitz, Sun Tzu… ? Thucydide, Musashi Miyamoto… ? Le « livre des ruses » a été écrit par les arabes un siècle avant que Machiavel rédige son « Prince ».
    • Que devient le concept d’étranger ? A quoi sert l’apprentissage des langues étrangères si l’on est incapable de déchiffrer les cultures (comportements visibles et codes invisibles). La masse critique du politique, de l’économique et du militaire ont orienté la présence de certaines langues (le grec, le latin, le chinois, l’arabe, le français, l’anglais, l’américain) comme principaux supports d’échanges depuis des millénaires. Qu’en sera-t-il demain, dans un monde multipolaire ?
    • De quelle manière tenir la logique du bombardement face à la fuite médiatique des réfugiés, perdus en mer, effondrés sur les plages, enfermés dans des camps ou allongés sur le bord des routes. Plus de bombes sont lâchées, plus les êtres humains s’enterrent ou fuient. 2016 aura été la première année depuis 1946 où l‘on comptera autant de réfugiés dans le monde. La guerre à distance renvoie à d’autres logiques infernales, des pièges miroirs, des asymétries aux lectures créatrices de doutes, d’impuissances.
    • Les Etats-Unis ont-ils vraiment perdu la guerre du Viêt-Nam ? Où bien ne serait-ce pas plutôt Coca-Cola et McDonald’s qui l’auraient finalement emporté ? Faut-il choisir entre Elvis Presley ou la bombe H ? Comment sortir de la dialectique soft power vs. hard power ?
Dynamisme du souffle, complexe de la hauteur

Dynamisme du souffle, complexe de la hauteur

Autrement  = « d’une autre façon »

  • Derrière l’adverbe « autrement » ?

Chercher la pluralité des sources, se confronter aux limites de l’imaginaire et ne jamais s’éloigner des réflexes contre intuitifs. Etre à l’aise aussi bien dans le brouillard fortuit que dans celui généré par nous-mêmes, hyper flexible devant l’imprévu, créatif devant l’impassibilité d’un mur d’acier trempé. A l’écoute du papillon lointain, soucieux d’une contextualisation organisée, au contact de toutes les parties prenantes dans des écosystèmes de plus en plus connectés.

En bref : du contre-pied, de la plasticité, de la vigilance. Penser autrement pèse davantage qu’un seul point d’inflexion, et constitue aujourd’hui un complément indispensable à toute réflexion stratégique, organisationnelle ou managériale.

  • Le cadre de notre réflexion : une accumulation complexe

Dans un monde (occidental) longtemps balisé par la raison au carré, l’identité individuelle et la force de l’abstraction, le penser autrement annonce le retour de l’intuition, du projet collectif et du sens commun. Ces trois facteurs ne se substituent pas aux trois précédents, mais s’additionnent à eux, dans une ambiguïté bien représentative de la complexité des temps que nous traversons.

Rêve de vol, poétique des ailes, vie verticale, hygiène du redressement, courage de vivre contre l’apesanteur, jeux dialectiques du vertige et du prestige, dynamique de l’ascension,… De Bachelard à Nietzsche, le penser autrement contient, sous de multiples formes, les ressorts de nouveaux discours, de nouvelles stratégies, de nouveaux engagements.

Nicolas Rousseaux

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