Chroniques

Passons des Brics aux « Next Eleven »

Posted: 5 janvier 2015 à 6:52   /   by   /   comments (0)

Yoyo et Risque pays

Il y a BRICS et BRICS. Ceux qui ont su investir à bon escient dans leurs infrastructures et leurs équipements lorsque l’argent occidental est venu bénir leurs taux de croissance mirobolants. Et puis il y a les autres, aux balances commerciales fragiles, aux systèmes sociaux déséquilibrés, aux réformes incomplètes. Tous les pays émergents ne se ressemblent pas. Loin s’en faut. Le concept de BRICS en lui-même, utile en son temps pour accélérer la prise de conscience nécessaire des Occidentaux, s’avère aujourd’hui déphasé, écartelé entre des situations et des régimes locaux trop éloignés les uns des autres. Quel rapport entre une économie russe, financée à 60 % par la manne énergétique, ressemblant davantage à une monarchie du Golfe qu’à la Chine ? Quel rapport entre un Brésil, à deux doigts de rater sa coupe du monde de football et une Afrique du sud embourbée dans ses conflits sociaux et une monnaie dévalorisée de 20 % en un an ? Pourtant, l’émergence reste vivace. La Thaïlande, la Turquie, l’Indonésie affichent des taux de croissance souvent supérieurs à 4 %, deux fois plus que ceux des BRICS, hormis la Chine. Il est temps de passer des BRICS aux « Next Eleven » *.

« Jusque-là, les investisseurs pensaient aveuglément que ces économies étaient florissantes et plus ou moins équivalentes », explique Bruno Colmant, économiste à l’Université catholique de Louvain. Depuis, ils se sont mis à étudier les chiffres. Ceux-ci montrent que non seulement la croissance a ralenti, mais que certains de ces pays souffrent de problèmes structurels inquiétants. Le Brésil, le Venezuela et l’Inde, par exemple, n’ont pas suffisamment profité de l’envolée des cours des matières premières et de l’afflux de capitaux étrangers de ces dernières années pour se réformer, et notamment, renforcer leurs infrastructures. Les investisseurs se sont également rendu compte de « la vulnérabilité de certaines de ces économies, et du risque géopolitique qui avait été négligé, ou encore des frustrations créées par une société à deux vitesses : l’Afrique du Sud, l’Inde, le Brésil et la Turquie sont de bons exemples, mais aussi l’Indonésie, l’Argentine, le Mexique ou le Maroc, ou encore la Hongrie ou la Croatie », analyse M.Subran. Le ralentissement économique des émergents « reflète des fragilités structurelles comme le climat des affaires ou les contraintes d’offres –infrastructures d’énergie de transport-, qui sont des problèmes de long terme et donc difficiles à corriger », souligne également M. Zlotowski. 

“Le rythme d’activité des BRICS a été divisé par deux en trois ans”

La « surprise » est d’autant plus décevante que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) avaient « changé de statut » au cours des années 2000, présentant des systèmes bancaires et des finances publiques assainis, et affrontant avec succès le double effondrement de la croissance et du commerce mondial, en 2008-2009. Des plans de relance massifs y avaient été déployés, notamment en Chine, entraînant un redémarrage économique rapide, au contraire des pays développés. Mais la demande de ces derniers restant faible, et les politiques de relance des pays émergents s’essoufflant, « la donne est en train de changer », analyse M. Zlotowski.

(*) Next Eleven :  Bangladesh, Corée du SudÉgypteIndonésieIran, MexiqueNigeriaPakistan, Philippines, Turquie et Viêt Nam

 

Source : Le Monde, 29 octobre 2013, Avis de tempête sur les économies émergentes, par Marie Charrel et Adrien de Tricornot           

Photo : © Nicolas Rousseaux

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