Top Revues
Les prophètes de l’entreprise ont disparu
Et si… après nous, venait le déluge ? L’utopie a-t-elle encore un sens, une utilité dans l’entreprise ? Où se cachent les Alvin Toffler d’aujourd’hui ?
Chronique publiée en exclusivité pour
Laissez tomber le story telling ! Faites du story making !
Le passé ? Dépassé, oublié, déplacé. L’avenir ? Fuyant, déceptif, désespérant. Comment dans notre présent si étroit réécrire l’histoire de nos entreprises ? Le story telling s’essouffle. Les discours que nous offrent les marques phares du luxe, hier tellement friandes de la mise en scène de leur propre épopée (de la petite robe noire à l’art du voyage), les Chanel et Louis Vuitton rabâchent les miettes de leurs souvenirs dans des galeries des glaces métamorphosées en night-club pour égéries plastiques et sans voix.
Sans prophètes, l‘utopie laisse la place vide aux catastrophes
Ce rétrécissement du présent provoque un double corolaire. Il fait taire les prévisionnistes, bien discrets depuis 2008, mais aussi les prophètes, déchiffreurs de l’actualité historique, de l’histoire à venir (cf. le philosophe Paul Ricœur) voyeurs et voyants, dans la vieille tradition biblique.
Sans prophètes, l‘utopie laisse la place vide aux catastrophes. Qui peut dès lors traduire le mal, derrière le malheur ? Même l’apocalypse (rédemptrice) perd son sens. Seuls les « sages », ramassent la mise. Hypnose, cours de yoga, médiation ayurvédique, paniers de légumes bio entrent dans l’entreprise portées par un flot de discours sur le bien-être, la grande réunification du corps et de l’esprit.
Les profs de yoga ont remplacé les prophètes. Au détriment d’une veille intelligente et sensible
Comment s’extraire du présent et de son instantanéité ? Comment rouvrir le futur sans rouvrir les portes du passé ? Une suggestion : dégageons d’abord les voies possible du passé qui n’ont pu advenir : « le passé n’est pas que le passé, c’est le futur inaccompli du passé qui nourrit le futur et qui reliant ainsi passé et futur peut permettre une transmission effective et une action significative » (cf. l’historien François Hartog).
Le passé n’est pas un modèle à réactiver. Rétablissons une circulation fertile entre passé, présent et futur, notre « moteur à trois temps », renaissance du story making.
NR
Conseil de lecture :
Le n°431 de la revue Esprit – janvier 2017
Comments (0)