Le joueur de flûte de Brixton

Et si… la banlieue de Londres avait été pour la musique rock, ce que certains quartiers d’Amsterdam, de Kyoto, de Chicago, de San Fransciso, de Berlin ont été pour d’autres formes d’expression : des bouillons de culture dont il fallait s’extraire par la seule volonté de son travail, de son talent et de son agilité stratégique.

Bowie libre, Bowie libéré

Analyse de la méthode développée par « Bowie » pour entretenir le mystère, clé de sa longévité.

Interview de Nicolas Rousseaux dans Le Parisien Magazine, 8 janvier 2016, par Nedjma Van Egmond.

• Etre invisible, c’est une stratégie ?
• Oui. David Bowie ou les Rolling Stones ont dû se maintenir près d’un demi-siècle dans l’industrie de la musique, tout en se réinventant en permanence. Chacun y a apporté sa réponse propre. La stratégie de Bowie est fondée sur le mélange, adroit, de la vie et de la fiction et sur la nécessité de surprendre ses fans, pour conserver le lien avec eux. Cela passe par un sens de la métamorphose, et un mystère savamment entretenu, qui suscite une foule de questionnements.

• Il interroge aussi les médias…
• Bien sûr. Contrairement aux Rolling Stones, il a compris très tôt le pouvoir pervers des médias et la risque à être omniprésent, à jouer le jeu de la surenchère comme le fait une Lady Gag ou une Madonna. Bowie n’est en aucune façon le jouet des médias. Ce sont les médias qui sont devenus ses jouets. Il n’a pas donné d’interview depuis une dizaine d’années, il distille les photos au compte-gouttes. Le mystère est presque total, ce qui laisse le champs libre à toutes les rumeurs. Il occupe le terrain tout en se montrant extrêmement discret. Il est très peu présent physiquement, tout en l’étant dans l’esprit des gens grâce à une exposition à sa gloire, « David Bowie Is » qui tourne partout dans le monde (elle fut présentée à Paris en mai 2015, NDLR). On peut aussi remarquer que la nature des questions que l’on se pose sur David Bowie a évolué. Pendant des années, on s’est demandé « comment » : comment allait-il réapparaitre ? Sous quel forme ? Aujourd’hui, vu sa rareté, on se demande « quand ».

• Se fait-il rare uniquement pour nourrir le désir des foules ?
• Pas seulement. Bowie sait bien que les médias et les réseaux sociaux prônent l’instantanéité, le chaud. C’est l’ére du présent perpétuel. Lui est soucieux d’écrire son histoire au rythme où il l’entend, avec un début, un milieu, une fin. Il écrit son épopée par la construction de la mémoire collective. Et communique sans communiquer.

• Peut-on aussi expliquer l’origine de ses choix difficile, notamment son enfance ?
• David Bowie nait après la guerre, le 8 janvier 1947,à Brixton, banlieue populaire de Londres. Il a grandi dans l’angoisse de sombrer dans la schizophrénie comme trois de ses tantes et son demi-frère Terry Burns, qui se suicidera en 1984. C’est une ambiance psychologique lourde, marquée par la solitude, la dépression. Le jeune banlieusard est sorti du triste destin qui aurait pu s’imposer à lui, et bien sûr cela l’a poussé à vouloir garder le contrôle de sa vie, quoi qu’il advienne.

Source :

http://www.leparisien.fr/musique/albums/pour-son-anniversaire-david-bowie-sort-blackstar-son-25e-album-08-01-2016-5432511.php