Chroniques

Daech à une heure de Shengen (suite II)

Posted: 2 août 2015 à 10:06   /   by   /   comments (0)

Grave pénurie de mythes dans le monde arabe : l’exemple algérien

 « Daech renvoie à tout ce qui s’est passé en Algérie dans les années 90, les bombes, les journaux attaqués. On s’enfonce toujours un peu plus. Ce qui s’est passé en Algérie se produit aujourd’hui à l’échelle du monde. C’est étouffant de voir que le reste du monde vit notre propre prison. »

On ne naît pas fondamentaliste, on le devient.

« Il faut incriminer la propagande de l’Arabie Saoudite. On ne naît pas fondamentaliste, on le devient. Que pouvons-nous contre un Empire qui finance le radicalisme, par la diffusion de livres, de discours. L’Arabie Saoudite est la matrice de l’Islamisme. »

« La croyance amène la soumission, l’avilissement, la mendicité. Ils croient que croire, c’est mendier. Ce serait mentir à Dieu que de lui tendre la main ; le premier verset du Coran : « L’Homme est le ministre de Dieu sur terre ». J’ai donc le rôle d’un représentant de Dieu sur la terre, et je dois gérer le monde. Se soumettre, c’est se coucher sur le bord de la route qu’on devait emprunter. »

L’arabité, ce n’est pas une nationalité, c’est une culture.

« Rêve-t-on d’être Arabe ? Musulman ? Non, je suis désolé. On n’a su construire ni moisson du Ciel, ni moisson terrestre. On n’est pas non plus une matrice de rêve pour l’Humanité. Moi, je rêve d’être Algérien pas d’être Arabe. Arabe, c’est une culture, pas une nationalité, c’est une assignation. C’est comme dans Robinson Crusoë : le Noir n’est noir que parce que le Blanc est là. L’arabité, ce n’est pas une nationalité, c’est une culture. Rêve d’être musulman ? Non, bouddhiste, oui, mais pas musulman. Parce que l’Islam, on en a fait un cauchemar, il faut dire la vérité. »

Moralisme collectif, immoralisme individuel

« On est dans un système binaire, halal d’un côté, haram de l’autre. Ce sont des rapports de dévoration : le licite et l’illicite. En fait, ce sont les deux grands partis politiques actuels, et je n’en vois pas d’autre. Le mois du Ramadan devrait être un mois d’ascèse, de questionnement, mais c’est un mois de dévoration. C’est comme s’il fallait avaler le réel pour s’en débarrasser. « Dévorer » s’oppose à « apprécier ».

 L’Algérie est un pays désenchanté, bâti sur des mythes morts, qui n’a pas le culte du Beau, ni de la puissance

« Il faut avoir une exigence. L’Algérie est un pays désenchanté, bâti sur des mythes morts, qui n’a pas le culte du Beau, ni de la puissance et qui est de ce fait désespérant. Le vendredi, c’est le signe ostentatoire de la paresse. On est dispensé de chercher Dieu si on fait croire qu’on l’a trouvé. Du coup, le Croyant est paradoxalement quelqu’un qui ne croit pas à grand-chose : ni à l’homme, ni à l’écologie, ni à sa responsabilité. Comme un oxymore, c’est une croyance nihiliste ! »

« Il n’y a plus de dynamique de la foi, remplacée par l’hypocrisie. »

Témoignage de Kamel Daoud, né en 1970 à Mostaganem, écrivain, journaliste algérien de langue française. Prix Goncourt du premier roman. Ses propos sur l’islam en 2014 lui valent d’être frappé d’une fatwa par Abdelfattah Hamadache Zeraoui, un imam salafiste, qui a appelé à son exécution le 16 décembre de la même année.2127498879-0115 kamel Daoud

Extraits de l’émission « Contre-enquête / Cultures d’Islam », animée par Abdennour Bidar.

Source : France Culture, le 29 mai 2015.

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