Fictions
Le succès vu par Walter Benjamin : 9. L’improvisation
Leçon n°9 : l’improvisation
La force de suggestion et sa naissance en nous
Let’s hear what you can do ! dit-on en Amérique à celui qui brigue un poste. Mais on veut à cet égard beaucoup moins entendre ce qu’il dit que voir comment il se place. Ici on se heurte au secret de l’examen. Qui examine, ne demande habituellement absolument rien de mieux que de se laisser convaincre de l’aptitude de son partenaire. Or chacun a pu déjà faire cette expérience : plus un fait, une opinion, une formule apparaît fréquemment, plus elle perd de sa force de suggestion. Presque jamais notre conviction ne subjuguera quelqu’un autant que celui qui a été témoin de sa naissance en nous. Par conséquent, dans tout examen, les plus grandes chances ne sont pas chez le candidat bien préparé mais chez l’improvisateur. Et pour la même raison ce sont presque toujours les questions accessoires, les choses accessoires qui sont déterminantes. L’inquisiteur que nous avons devant nous exige surtout que nous l’illusionnions sur sa fonction. Y réussissons-nous, alors qu’il est prêt à nous concéder beaucoup.
W.B.
Prochaine leçon : la connaissance
Photo : © Nicolas Rousseaux
Le 29 septembre 1928, parait dans le Frankfurter Zeitung, un texte signé de Walter Benjamin. Historien d’art, philosophe, critique littéraire et traducteur d’Honoré de Balzac, Charles Baudelaire et Marcel Proust en langue allemande, Walter Benjamin propose dans cet article de tracer « La voie du succès en treize thèses ».
Porteur invétéré d’une haute exigence vis-à-vis des siens comme de lui-même, Walter Benjamin, réexamine le concept de « réussite » autour de ce qu’il désigne comme la « transaction heureuse ». Une intensité de la pensée et de l’action, un recul, une franchise, une netteté, une constance, une recherche, une prise de risque,…. Ni modeste, ni hâbleur, le succès se nourrit de sa discrétion tout comme de son évidence.
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