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Planter, se planter, replanter…
Osaka, 1979. Au fond d’un terrain de golf, Akio Morita, pdg de Sony invente le Walkman. Une chanson lui trotte dans la tête, mais impossible d’écouter un disque dans cet endroit reculé. Pourquoi dès lors ne pas inventer un magnétophone de poche, transportable partout, avec ses cassettes de musiques favorites ? Le Walkman était né.
Morita avait un principe : «L’innovation n’est pas une fin en soi. Encore faut-il la développer pour l’imposer aux clients.» Ainsi sont lancés le premier téléviseur transistorisé en 1960, le premier magnétoscope grand public en 1975, le premier Compact Disc en 1982. Toutes ces nouveautés propagent la marque Sony sur la planète entière.
Quelle métamorphose pour ce fils d’aristocrates que tout destine à sa naissance, en 1921, à vivre selon les valeurs ancestrales ! Akio est en effet le rejeton d’une longue et riche lignée de brasseurs de saké. Son père, conservateur bon teint, le prépare dès l’enfance à lui succéder. Normal, c’est l’aîné. Bien que descendant d’une famille de samouraïs, sa mère est plus ouverte au changement. Akio obtient ainsi – premier accroc à la tradition – de troquer son futon contre un lit à l’occidentale. Et ce féru de musique et d’électricité dispose aussi d’un superbe électrophone, qu’il ne se lasse pas de démonter et de remonter.
Après le lycée, il s’inscrit en physique à l’université d’Osaka. Surviennent Pearl Harbour (1941) et quatre ans de guerre. Peu enclin à s’exposer à la mort – deuxième accroc à la tradition –, il se fait mobiliser comme technicien et participe à des recherches sur les armes à guidage thermique. Une planque inespérée ! La capitulation du Japon met un terme à cette brève carrière militaire. C’est alors, écrira-t-il plus tard, qu’il prend conscience de la puissance écrasante de l’Amérique et des efforts à fournir pour remettre le Japon debout.
Capteur d’ondes courtes.
Revenu à l’université, il retrouve Masaru Ibuka, un civil qui travaillait avec lui dans le groupe des chercheurs de l’armée. A 38 ans, Ibuka dirige la société d’instruments de mesure que lui a confiée son père. Mais cet homme entreprenant veut se spécialiser dans les télécommunications. En 1946, il crée la société Totsuko, s’installe avec vingt collaborateurs dans un étage indemne d’un entrepôt bombardé et demande à Akio de se joindre à lui.
Le père Morita n’apprécie pas de voir s’interrompre la dynastie familiale de brasseurs, vieille de quinze générations. Mais le beau-père d’Ibuka, membre du gouvernement, plaide la cause du jeune homme. Akio est autorisé, à 25 ans, à vivre sa propre vie : troisième accroc à la tradition.
Les premières années sont difficiles. La PME bricole un capteur d’ondes courtes adaptable aux récepteurs à ondes moyennes. Mais pour Ibuka et Morita, désormais associés, l’avenir appartient aux magnétophones.Lors d’une visite à la station de radio NHK, ils découvrent un modèle à bandes magnétiques qui surclasse de loin le magnétophone à fil qu’ils tentent laborieusement de mettre au point. Voilà ce qu’il leur faut. En 1950, ils fabriquent leur propre magnétophone à bandes. Mais il pèse 35 kilos et son prix dépasse le salaire annuel d’un cadre.
Définir le marché.
Akio Morita comprend alors qu’il ne suffit pas de concevoir une petite merveille, mais qu’il faut aussi étudier le marché. Dans le cas du supermagnétophone, la seule solution est de prospecter auprès de l’administration. Sollicité, le ministère de l’Education passe de grosses commandes pour l’enseignement de l’anglais, alors en plein boom. D’autres magnétophones, destinés au grand public, voient ensuite le jour. Plus petits, plus élégants, moins chers, ils se vendent tout de suite comme des petits pains.
Démarche similaire pour les radios. Morita a compris que le temps des postes à lampes est révolu. Pour lancer un modèle portable qui tient dans la poche, il devra utiliser ces fameux transistors qui viennent de faire leur apparition. La compagnie américaine Western Electric lui cède un brevet, dont l’application concerne les appareils contre la surdité, et, à partir de cette base, un transistor entièrement nouveau est conçu pour la miniradio. Pas si mini, d’ailleurs, car l’appareil entre difficilement dans une poche de chemise. Pour la publicité, on confectionne donc des chemises avec des poches surdimensionnées. Et ça marche !
Sources : «Made in Japan» par Akio Morita, ed. Robert Laffont, 1986, « Les 50 plus grands patrons de l’histoire, Capital, 2010*
Photo : © Nicolas Rousseaux
Le futon nous vient d’Asie mais il est de plus en plus courant dans nos intérieurs. Les futons qu’on trouve dans le commerce sont-ils les mêmes que ceux utilisés par les japonais ? Quels bénéfices à dormir sur un futon plutôt qu’un matelas traditionnel ? Voici des éléments de réponse qui vous donneront envie de dépaysement.