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Face au courage accablé
et si… nous surmontions le désarroi, si répandu ; si nous retrouvions le ressort pour enfin sortir de l’épuisement ! Notre époque instrumentalise et fait disparaitre le courage. Mais le courage reste une vertu démocratique. Si le courageux reste toujours solitaire, l’éthique du courage, la seule qui dure, elle, est collective.
Le courage qui nous manque est là, à portée de main, dans un endroit étrange, où tout semble familier, mais dans lequel on ne connait rien. « J’arrive où je suis étranger » écrivait Aragon. Le vent sait redevenir léger pour les courageux. C’est un frisson terrible mais c’est une sève. Le courage devient alors un rendez-vous avec la raison qui ne ruse plus. Une force vitale enfoncée, loin au fond de chacun de nous.
Comment d’abord s’extraire du découragement, un mirage?
J’ai perdu le courage comme on égare ses lunettes. Aussi stupidement. Aussi anodinement. Perdu de façon absolue, si totale, et pourtant si incompréhensible. Et tel un Roquentin dans La Nausée de Jean-Paul Sartre (Paris, Gallimard, 1938), j’aurais pu penser : « Quelque chose m’est arrivé, je ne peux plus en douter. C’est venu à la façon d’une maladie, pas comme une certitude ordinaire, pas comme une évidence. Ca s’est installé sournoisement, peu à peu ; je me suis senti un peu bizarre, un peu gêné, voilà tout. Une fois dans la place ca n’a plus bougé, c’est resté coi et j’ai pu me persuader que je n’avais rien, que c’était une fausse alerte. »
Je n’avais pas vu alors le lien entre le courage et la vitalité. Je le reliais à la seule volonté. Mais la volonté est au final également organique. J’avais peu d’illusions sur la survivance des âmes. Je sais maintenant que l’âme ne survit pas à la mort. Seule l’œuvre ; c’est-à-dire l’âme des autres. (…)
Je crois que sans rite d’initiation les démocraties résisteront mal. Je vois bien qu’il me faut sortir du découragement et que la société ne m’y aidera pas. Comment faire ? Qui pour me baptiser et m’initier au courage ? Qui pour m’extraire du mirage du découragement ? Car il me reste un brin d’éducation pour savoir que cela n’est qu’un mirage. Qu’il n’y a pas de découragement. Que le courage est là ; comme le ciel est à portée de regard. Alors j’ai fait ce que la société moderne fait. Après tout, les molécules de venlafaxine sont aussi les dérivés de la Renaissance.
Première règle : pour reprendre courage, il faut déjà cesser de chuter. Même si nous savons faire plusieurs choses à la fois, parfois il est utile de se concentrer sur l’une d’entre elles. Donc d’abord cesser de chuter. Toute seule, je ne pouvais pas. Ma seule capacité, c’était de glisser. Il fallait donc un tiers. Finalement, la société aide, malgré elle. Car, si étonnant que cela puisse paraitre, il y a toujours quelqu’un. Quelqu’un qui correspond sans réellement correspondre. Parfois il correspond. Il est alors le lien vers l’avenir.
Deuxième règle : retrouver la vitalité. Celle de l’organisme avant celle de l’âme. Pour reprendre courage, il faut accepter de reprendre son temps. D’être patient avec soi-même. Il faut guérir le corps alors qu’il parait sain. Comprendre qu’il y a une santé plus profonde. Celle du temps qui joue pour soi. Celle des cycles. Non plus penser, de façon infantile, que la vie est linéaire, mais se rappeler qu’elle est cyclique. Qu’il y a de bonnes et de mauvaises saisons, et que ces dernières n’entament en rien la personnalité. En somme, qu’il n’y a pas d’échec véritable.
Troisième règle : il faut chercher la force là où elle se trouve. Si c’est à l’intérieur de la famille, ce sera à l’intérieur de la famille. Si c’est à l’extérieur de la famille, loin d’elle, ce sera à l’extérieur. Si c’est auprès d’inconnus ou de tiers plus connus, ce sera là aussi. Chercher la force là où elle est et la recevoir, l’accueillir en soi, puisqu’il n’est plus possible de la créer. Dans un premier temps, sans doute, se coller à elle, se mettre dans son sillage. Non pas la parasiter car ce serait l’amoindrir ; mais simplement l’apprécier. Reconnaître qu’elle est une autre façon de nommer la vitalité. Reconnaître son extraordinaire simplicité. Accepter qu’il faudra du temps pour digérer cette simplicité. »
par Cynthia Fleury
Ed. Fayard, 2010
© Librairie Arthème Fayard
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