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La résurrection de l’Eco
Et si… ce vendredi 19 février 2016, à Milan (1.000 ans), du fond de sa couche morbide, au bout de son calvaire cancéreux, Umberto Eco était devenu immortel.
Umberto, notre souverain anti-poncifs
Guerrier de la plus haute des éruditions, combattant farouche de toutes les manipulations, détecteur inégalable de faux en tout genre, grand résistant de la critique intelligente et intelligible, décodeur insatiable des signaux forts et faibles de notre société, penseur des langues, humoriste oulipien, passionné de la vie, chercheur sans scrupules, du beau au laid, du vertige de la liste aux lieux de légende, du fastueux roman épique à la juteuse chronique de l’époque, Umberto, nous t’aimions d’un amour passionné. Cet amour, tu as su nous le transmettre pour toujours.
Nous nous étions rencontrés un trop court instant à Paris, sur le boulevard Saint Germain, à deux pas du Musée et des Thermes de Cluny.
Je conserve alors dans ma mémoire de jeune homme, ton regard, la merveilleuse malice du conteur, l’immense profondeur de champs du penseur et ta réflexion en action perpétuelle, qui me faisaient littéralement rêver et frétiller d’une impatience sans bornes à la publication annoncée de chacun de tes ouvrages, quel qu’il fut.
Umberto, tu savais, plus que tout autre, nous renvoyer le désir de creuser sans cesse, de découvrir, de faire se rencontrer toutes les disciplines de la nature. Avec tes compagnons guérilleros, de Borges à Thomas d’Aquin, durant tant d’années, tu nous as renvoyé l’écho de ton travail et de ta curiosité acharnés.
Nous t’entendions, de loin. Nous te guettions.
A nous, dorénavant, avec humilité, de reprendre ta casquette de laine, ou bien ton grand chapeau noir à large bords, ton écharpe, et de nous consacrer aux combats essentiels que tu as mené contre les maquisards du cliché, les distributeurs de complots, et toutes les armées destructrices du savoir.
Nicolas Rousseaux
« Le problème n’est pas de tuer la raison mais de mettre les mauvaises raisons en condition de ne pas nuire ; et de dissocier la notion de raison de celle de vérité. Mais cet honorable travail ne s’appelle pas hymne à la crise. Il s’appelle « critique ». Repérage des limites. »
La Guerre du Faux, ed.Grasset, 1985
« Au début, les médias nous ont persuadés que l’imaginaire était réel, maintenant, ils nous convainquent que le réel est imaginaire, et plus les écrans télé nous donnent à voir de la réalité, plus le quotidien devient cinématographique. Jusqu’à ce que nous en arrivions à penser – ainsi que le voulaient certains philosophes – que nous sommes seuls au monde, et que tout le reste est le film que Dieu ou un malin génie nous projette devant les yeux. »
« Comment voyager avec un saumon », ed.grasset, 1989
« Au fond, la question de base de la philosophie (comme de la psychanalyse) est la même que celle du roman policier : à qui la faute ? »
Apostille au Nom de la Rose, ed. Grasset, 1985
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