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Joyeux, le paradoxe (I)

Posted: 16 janvier 2016 à 1:01   /   by   /   comments (0)

Et si… c’était le désir qui nous guidait, plutôt que nos besoins.

Le feu dans la maison

« Aux dents de la crémaillère pendait le chaudron noir. La marmite sur trois pieds s’avançait dans la cendre chaude. Soufflant à grosses joues dans le tuyau d’acier, ma grand-mère rallumait les flammes endormies. Tout cuisait à la fois : les pommes de terre pour les cochons, les pommes de terre plus fines pour la famille. Pour moi, un œuf frais cuisait sous la cendre. Le feu ne se mesure pas au sablier : l’œuf était cuit quand une goutte d’eau, souvent une goutte de salive, s’évaporait sur la coquille. Je fus bien surpris quand je lus dernièrement que Denis Papin surveillait sa marmite en employant le procédé de ma grand-mère.DSC02895 Avant l’œuf, j’étais condamné à la panade. Un jour, enfant coléreux et pressé, je jetai à pleine louchée ma soupe aux dents de la crémaillère : « mange cramaille, mange cramaille ! » Mais les jours de ma gentillesse, on apportait le gaufrier. Il écrasait de son rectangle le feu d’épines, rouge comme le dard des glaïeuls. Et déjà la gaufre était dans mon tablier, plus chaude aux doigts qu’aux lèvres. Alors oui, je mangeais du feu, je mangeais son or, son odeur et jusqu’à son pétillement tandis que la gaufre brûlante craquait sous mes dents. Et c’est toujours ainsi, par une sorte de plaisir de luxe, comme dessert, que le feu prouve son humanité. Il ne se borne pas à cuire, il croustille. Il dore la galette. Il matérialise la fête des hommes. Aussi haut qu’on puisse remonter, la valeur gastronomique prime la valeur alimentaire et c’est dans la joie et non pas dans la peine que l’homme a trouvé son esprit. La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire. L’homme est une création du désir, non pas une création du besoin. »

Gaston Bachelard

La psychanalyse du feu

Posséder le feu c’est quitter le domaine de la nature pour entrer dans le royaume de la culture. La cuisson, l’amour, l’art et le rêve apparaissent dès l’instant où le feu rentre dans la grotte des premiers hommes. La caverne devient alors foyer. Dans les braises fumeuses, s’épanouiront le goût puis la subtilité, jusqu’à la spiritualité.

9782501099295-001-X pourquoi penser

« Pourquoi penser comme tout le monde »

50 paradoxes loufoques de philosophes pour voir le monde autrement

Par Sophie Chassat

ed. Marabout poche, 2015

Photos © Nicolas Rousseaux

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