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Picasso / Fiac : 0 – 0
Et si… l’on arrêtait d’alimenter la confusion vertigineuse entre le vrai et le faux ! Et si les musées et les expositions mettaient le frein à la surenchère et à la provocation systématique. Scandaliser, faire parler, attirer, faire payer, etc. Et si la spirale des grosses productions sifflaient la fin du temps réglementaire pour faire reposer l’âme des artistes, transformés en animaux de foire, ballotés au gré de la brise médiatique ou bien pourvoyeurs complices du scandale préfabriqué (du gode géant sur la Place Vendôme au vagin de Marie-Antoinette dans le parc de Versailles).
Vrai/Faux… Confusion des genres
Drôle d’odeur, étrange vision, sensation de malaise, que de voir accrochés sur les cimaises du Grand Palais deux « faux » tableaux reproduisant le formidable geste de Picasso sur ses Demoiselles d’Avignon, dont l’original est à New York.
L’exposition Picasso Mania atteint les sommets de la folie du moment : nous faire jouer à cache-cache entre le vrai et le faux, alors que nous nous efforçons déjà péniblement de trier quotidiennement les manipulations des uns, les langues de bois des autres, et les amalgames à la pelle. Voilà que la Réunion des Musées Nationaux participe à son tour du mélange des torchons et des serviettes. Ici, un sublime autoportrait de Pablo, là des inspirations non moins superbes d’un David Hockney, respectueux du géant espagnol. Là une toile hyperréaliste de Roy Lichtenstein sur un thème cubiste de Picasso, et puis derrière, un mur bourré de portraits du maître de Mougins, illisibles.
Quant à la reproduction d’une petite annonce pour un véhicule Citroën Picasso (!). Vaut le détour (voir ci-contre).
La star passe dans le hachoir de la zizanie contemporaine attrape-tout.
Que veut-on nous dire, vraiment ? Quel est l’intérêt de voir se transformer un génie en source d’inspiration pour un Rinke Dijkstra (photographe hollandais) ou un Jasper Johns (peintre américain) ?
« Quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphaël, mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant »
Jusqu’à ses derniers jours, Picasso n’a pas cessé de s’inspirer, en replongeant, encore et encore dans la Ronde de nuit pour peindre ses Mousquetaires. Est-ce cela dont il est question ?Autour de lui, comme des cierges, des chats langoureux, de vieux compagnons de route, s’étalaient en permanence… des Douanier Rousseau, le château noir de Cézanne, un petit Le Nain, un Renoir, un Corot, un Chardin, un Courbet faisant tous du mieux qu’il pouvaient pour remplacer Velázquez, Goya, Le Greco, Manet, Van Gogh, Ingres…
Comment se ressourcer, se nettoyer de ce bain de boue, de ce mal au cœur ?
Contourner le Grand Palais pour se retrouver à la FIAC ? Voilà une foire qui ressemble de plus en plus au salon des peintres « officiels » de 1863. N’y seraient invités que les « pompiers » de l’art contemporain. Dont on peut raisonnablement estimer que l’histoire de l’art n’en retiendra que 5 %.
Dans sa galerie, Sophie Scheidecker m’accueille d’un sourire discret. Elle me voit tomber pantois devant un Max Ernst. Choc. Vision éthérée, d’apesanteur absolue. Accentuée par ses très honorables voisins, un Tanguy comme mordoré, des basculements autogyres le parsemant sur un fond laiteux, une lune vert pale.
Puis un Miro tout étendu sur le dos, entre coquelicot et outremer. Un peu plus loin, un Dubuffet, et sa pate majestueusement pétrie.
Sonne l’heure de la réconciliation. Les fourmis qui tournaient autour du cadavre de Picasso ont disparu.
Nicolas Rousseaux
Picasso Mania
du 7 octobre 2015 au 29 février 2016
Au Grand Palais (Grandpalais.fr), Paris
Ouverture de 9h à 20h, sauf le mardi
Nocturne les mercredi, samedi et dimanche jusqu’à 22h
photo : © Nicolas Rousseaux
Galerie Sophie Scheidecker
14bis, rue des Minimes – 75003 Paris
www.galerie-sophiescheideker.com
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