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La civilisation indienne, un mythe
Un pavé dans le Gange
D’où nous vient l’idée de l’Inde ?
Le grand historien indien Sanjay Subrahmanyam, professeur à Oxford, au Collège de France, à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, à UCLA (Los Angeles), partisan d’une histoire globale réécrite à l’aune des sources locales et non seulement occidentales, ose entrer dans le débat bouillant qui opposent en Inde les tenants d’une Inde mythique enracinée dans la plaine Indo-Gangétique et les « constructivistes » que ne voient dans l’Inde telle qu’elle est aujourd’hui, une un agrégat post colonial. « Sans la domination britannique, l’Inde ne serait-elle pas fragmentée en de nombreux petits états ? »
Débat politique et historique. Ligne de fracture entre l’islam et l’hindouisme, plongée depuis toujours dans des luttes intestines entre sultanats, l’Inde aurait atteint son point de perfection au début du XIII° siècle.
« Il faut concevoir l’Inde non pas comme une civilisation, mais comme un carrefour, un espace ouvert aux influences extérieures, plus qu’un exportateur de culture en direction de ses voisins. »
Ces influences viennent de partout : Europe, Asie centrale, Iran, Empire ottoman, sud-est asiatique, Afrique orientale. Les esclaves africains n’étaient-ils pas vendus sur les marchés de l’Inde médiévale ?
Récupéré par les partis de l’extrême droite indienne, la théorie d’un Inde éternelle ne résiste pas aux faits de l’hybridation et du mélange des peuples. Halte « à la xénophobie et à la paranoïa culturelle » s’exclame Subrahmanyam.
Même les études économétriques selon lesquelles l’Inde et la Chine auraient dominé le monde des siècles durant, avant la révolution industrielle, ne tiennent pas la route, car bien malin celui qui prétend reconstruire un PIB correspondant au territoire indien en 1700.
Nicolas Rousseaux
Leçons indiennes – Itinéraires d’un historien (Delhi – Lisbonne – Paris – Los Angeles)
par Sanjay Subrahmanyam
Ed.Alma, Paris, 2015
photos : © Nicolas Rousseaux, et DR
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