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La chute fortuite du mur de Berlin (1)

Posted: 16 août 2015 à 10:33   /   by   /   comments (0)

Comment penser l’avenir aujourd’hui sans intégrer l’inconnu, l’impensable, l’incontrôlable ?

Voir de ses yeux une exécrable dictature s’écrouler en quelques mois, sans bain de sang, presque sans bruit, dans une succession hallucinante d’irresponsabilités et d’inerties, comme un vieux bunker au béton sablonneux qu’un vent de panique (l’émigration inexorable de son peuple) vide de sa substance même (l’obsession de sa propre auto surveillance) et se retrouver balayée en une nuit sans pareil, du 9 au 10 novembre 1989, à Berlin.

000002Heure par heure, minute par minute, cette enquête minutieuse raconte la chute d’un mur infranchissable qu’aucun service secret, ambassade, journaliste, gouvernement n’avait prévu. Au même moment le Chancelier Kohl démarrait sa visite officielle en Pologne !

Cet ouvrage permet de visualiser précisément la constitution quasi-alchimique d’un événement historique qui prend le monde entier à contre-pied. Un monde pourtant gavé d’informations et de prévisions. Mais voilà, c’est oublier bien vite le poids de la part humaine, incalculable, faite autant de rationnel que d’ambiguïtés et de paradoxes.

Comment penser l’avenir aujourd’hui sans intégrer cette surprise, l’inconnu, l’impensable, l’incontrôlable ?

Là s’impose une clef majeure dans l’élaboration des futures stratégies des organisations. Les deux autres enseignements de ce livre tiennent dans l’importance décisive des acteurs extérieurs au champ d’action (les soi-disant pays alliés, les médias, les groupes religieux, les financiers, les forces armées) et la fluidité vitale des chaînes de décision. La forteresse est-allemande, appauvrie, isolée et fatiguée d’elle-même, n’a pas pesé lourd face à l’accélération paroxystique des actions / réactions.

Il aura donc suffi d‘une nuit et de quatre hommes pour renverser un régime de fer réputé indétrônable : un porte-parole confus, un journaliste impatient, un garde frontière débordé et un ambassadeur adjoint circonspect.

 

Témoignage :

« On ne réveille pas le Kremlin pour annoncer une mauvaise nouvelle »

Igor Maximychev, ambassadeur adjoint de l’URSS à Berlin-Est en 1989 :000035

« Nous avions une sorte de peur indéfinissable de réveiller quiconque à Moscou au milieu de la nuit avec nos nouvelles. Comme du temps de Staline. Nous n’aurions pas pu éviter d’apparaître comme appelant à l’aide. Et puis qui aurait-on eu au bout du fil ? De jeunes fonctionnaires de garde, capables de profiter de la situation, faire preuve de trop d’autorité pour se faire remarquer ? Ils auraient joint leur propres contacts à Berlin-Est afin d’activer la solution « chinoise », le bain de sang. Un seul coup de feu, ce soir-là et c’était la catastrophe mondiale. J’ai décidé de ne rien faire. Ni réveiller l’ambassadeur, ni appeler Moscou. D’ailleurs, le jour se levait là-bas et je savais qu’ils appelleraient bientôt. »

 

Nicolas Rousseaux

 (deuxième partie : la semaine prochaine)

 

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The Collapse

The accidental opening of the Berlin wall

by Mary Elise Sarotte

Basic Books – Perseus Books, 2014

 

 

Photos © Nicolas Rousseaux, 1989

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