Séries

Décoder l’entreprise. Intro : test de l’ascenseur

Posted: 28 mai 2016 à 3:35   /   by   /   comments (0)

Et si… c’était la théorie qui déterminait ce qu’on est à même d’observer et de reconnaître. Cette pensée d’Einstein rejoint celle de Werner Heisenberg, l’un des fondateurs de la mécanique quantique : « Souvenons-nous que nous n’observons pas la nature elle-même, mais la nature soumise à notre méthode d’investigation ». Ou encore celle de Gaston Bachelard : « Le véritable ordre de la nature, c’est l’ordre que nous mettons techniquement dans la nature ». Introduction à une série de réflexions sur notre capacité à décoder les signes visibles et invisibles produits par l’entreprise.

Introduction

Parking, gorille, moquette, hôtesse

Une porte de métal gris, un interphone sur la gauche, on ouvre la vitre de sa voiture, on tend le bras vers le bouton « accueil », l’œil d’une caméra dans le coin sur la droite, attente,… un voix nasillarde vous interroge… la porte bascule, parking « visiteurs » au deuxième sous-sol,… atmosphère lugubre, couloirs sombres et dépourvus d’indications, on hésite, on se perd, on s’énerve, on tente d’ouvrir une porte, on tombe sur le local à poubelles, odeurs, « mais où se trouve donc ce fichu ascenseur ? ». Ah, enfin, voilà… on monte. Le gorille en costume à blason jette un œil dans votre mallette, puis c’est au tour de l’hôtesse, regard las, sourire convenu, pièce d’identité. Attente…. le hall vide, un dallage glacé, architecture fin des années 70, silence,… l’ascenseur en aluminium… une salle d’attente… attente…. des fauteuils flétris, des journaux traînent sur la table basse à côté du rapport annuel, un poster publicitaire brûlé par la lumière, une fontaine à eau, une corbeille pour les gobelets en plastique, moquette défraîchie ; des gens passent, jettent un œil, le visage ombrageux, la peinture sur les murs sans âge, des vitres sales, une lumière fluorescente sans expression, les sons d’une conversation téléphonique, des murmures au loin autour d’une machine à café, des bureaux aux portes toutes fermées, attente,…

Reconstituer une sorte de grammaire de l’entreprise

Nous voilà, pour une première visite (exemple vécu), au cœur du siège social d’une des plus grandes entreprises françaises… et déjà tout semble étrangement faire sens, de s’emboîter dans une forme de perception pesante, un malaise, une sorte de pesanteur, de bribes de vies étouffées qui glisseraient lentement entre les phalanges,… mais attendons notre interlocuteur, ou plutôt son assistante… attente…

Dix minutes, montre en main. Dix minutes au total pour déjà imprimer les premières images d’une organisation, de son environnement immédiat, de son atmosphère intérieure, de ses artères.

Pas de conclusions hâtives à ce stade ; il faudra encore bien des entretiens, bien des allers retours pour comprendre les ressorts de cette entreprise, ses leviers, ses freins. Car, si tout décodage commence par le regard et l’écoute, il se doit ensuite de passer par la reconstitution d’une sorte de grammaire, avant, enfin, d’en faire émerger le sens.

Expo Frères Lumières mai 2015 022

Décoder s’apparente ainsi à une forme d’apprentissage laborieux, dont la perception ne constituerait que la première des marches.

Nicolas Rousseaux

 

 

« Les miroirs ne produisent pas de signes mais sont des prothèses qui, à la manière d’un périscope, nous permettent d’individuer quelque chose situé là où notre œil ne nous permet pas de voir »

Umberto Eco (in La Production des Signes, 1992)

A suivre :

Episode n°1 – « Architectures apparentes »

Comments (0)

write a comment

Comment
Name E-mail Website