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Trop de différence diabolise

Posted: 2 avril 2015 à 10:36   /   by   /   comments (0)

« Et toi, quel est ton ennemi ? »

Les stratèges du marketing nous disent « soyez différents ! Soyez uniques ! ». Mais à vouloir assumer trop visiblement sa différence, ne finit-on pas par créer sa propre diabolisation ? Les vrais ennemis ne sont pas ceux qui nous menacent directement (comme le furent les Barbares), mais ceux que certains ont intérêt à représenter comme menaçants même s’ils ne le sont pas. Ce n’est pas leur caractère menaçant qui fait ressortir leur différence, mais leur différence qui devient un signe de menace. Les ennemis apparaissent d’abord comme différents de nous et suivent des coutumes qui ne sont pas les nôtres.

Citation :

« Il y quelques années à New York, je suis tombé sur un chauffeur de taxi au nom difficile à déchiffrer et il m’a expliqué qu’il était pakistanais. Il m’a demandé d’où je venais, je lui ai répondu d’Italie et il a été frappé d’apprendre que nous étions si peu nombreux et que notre langue n’étais pas l’anglais.

Enfin, il m’a demandé quels étaient nos ennemis. Devant mon incompréhension, il m’a expliqué qu’il voulait savoir avec quels peuples nous étions en guerre depuis des siècles pour des revendications territoriales, des haines ethniques, d’incessantes violations de frontières, etc. Je lui ai dit que nous n’étions en guerre avec personne. Avec patience, il m’a réexpliqué qu’il voulait savoir quels étaient nos adversaires historiques, ceux que nous massacrions. Je lui ai répété que nous n’en avions pas, que la dernière guerre, nous l’avions faite il y a plus d’un demi-siècle, et d’ailleurs en la commençant avec un ennemi et en la finissant avec un autre. » 

 

850470 Eco construire l'ennemi  Source : Umberto Eco, « Construire l’ennemi et autres écrits occasionnels », ed. Grasset 2014

  Photo : © Nicolas Rousseaux

 

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